Ami ou Ennemi ?

Comme toujours, j'étais seul et aux aguets. Arrêté, oreilles et queue dressées, je scrutais les environs, à la recherche d'une piste qui plus tôt m'avait mené ici. Une odeur. Une merveilleuse odeur de sang, alléchante et obsessionnelle, surtout pour un solitaire déchu. Humant l'air, je finis par retrouver la tentatrice fragrance et me remis en marche. Suivant mon nez vers le nord, une grotte se dessina peu à peu aux horizons, éclairée par la lune éclatante. Plus je m'approchais, plus l'odeur me faisait rêver. Comme un enfant à qui on indique le chemin de sa mère perdue, je pénétrai avec envie dans la grotte immense. À peine parvenu, je fis volte-face, un loup y était déjà. Mâle ou femelle ? Quelle importance ? L'odeur me faisait jusqu'à oublier mon nom... alors mes principes et idées préconçues ?...

Je pris la direction de l'animal argenté, son poil me guidant dans le noir, seule lumière hormis celle de la lune. Quelque chose pendait de sa gueule, chose que plus près je distinguai comme une prise ; Était-ce la source de l'odeur ? Peut-être bien... Quoiqu'une telle proie ne m'attirait pas autant, d'ordinaire. L'inconnue que je présumai malheureusement femelle me regarda sauvagement, comme si je venais de lui arracher son repas. Saisissant le message, re reculai de peu, tenant tout de même à ma place et attendis mouvement ou réaction de sa part.

Il s'agissait du deuxième comportement étrange auquel j'avais eu droit en peu de temps. Le premier, me saluant, comme l'on salue un ami, un égal. Le deuxième, celui de cette argentée femelle, faisant preuve de partage et d'entraide. Avais-je l'air de n'importe qui ? Ou alors, est-ce que les autres me voyait comme l'un des leurs ? Suis-je aussi innocent d'apparence ?
Bref, je suis partagé entre deux. Un coté de moi, mon estomac plus particulièrement, me prie de sauter sur la chair fraîche et de la savourer. L'autre, mon orgeuil, me conseille de laisser le gibier là, de ne pas le toucher, de ne pas me montrer un faible loup. Faible, en matière de combat, je le suis.

Les signes de tête qu'elle me fit me semblèrent aussi étranges et respectueux. Il faut le dire ; cette journée était probablement le début d'un renouveau pour moi... Je devais me reprendre. Rencontrer deux loups au minimum gentils ne signifiait pas que j'allais changer. Dark Heart, restait Dark Heart...

Désireux de conaître les intentions de la louve, et je l'avoue, terriblement affamé, je saisis la proie et m'approcha, plus lentement cette fois. Je laissai une distance respectueuse entre nous deux, et avant de plonger sur la chair, questionna la femelle.

" Tu le fais par pitié ? Ou pour raison autre ? "

- C'est ça. Reprends-la ta viande. De toute façon, j'ai appris à me débrouiller seul... Ce n'est pas la croisade ni l'offrande d'une femelle qui fera changer ma nature...

Ma réponse avait claqué d'un ton sec... Son regard, perçant me fis toutefois regretter mes paroles. J'ignorais pour les siennes, mais les miennes n'avaient été lancées que par colère... Colère, et famine. Elle plongea sur la viande, une fois couchée en face. Mon estomac grognait, or, je me retirai plus loin pour ne pas qu'elle l'entende. Plus loin, l'odeur de la grotte me revint à l'esprit. Le sang, l'odeur.... C'était celle du sang. Tentatrice, pire encore pour un solitaire affamée... La tête me tournais... Je tentai de l'ignorer...

* Pourvu qu'elle ne l'ait pas remarquer....*

Je ne pouvais en revenir... Elle m'avait non seulement insulté, mais en plus, elle m'avait lancé de la chair au visage !! Ah les femelles... décidément, je ne les comprendrais jamais... Je me contentai simplement de déplacer un peu ma tête, lui donnant un angle qui fit glisser la viande de mon museau jusqu'à terre. Elle tomba dans un bruit sourd et je la suivis des yeux. Mes prunelles dorées ne lachèrent pas la viande d'une semelle, et mon instinc devint vite plus pesant que mon orgueil.

Plus tôt privé de mon repas, cette fois-ci, je ne le laisserais pas filer. Je m'en régalai, dévorant le tout rapidement. Mon comportement pouvais sembler un peu étrange à ma voisine, mais je n'en avais cure.

*Après tout, elle mange aussi de cette manière... Bien que la vitesse ne doit pas être la même...*

D'accord, mon image importait beaucoup selon moi. Je n'avais pas de meute, j'étais maigre comme un pou, peut-être. Mais je désirais quand même garder ce qu'il me restait...

- Donc, tu vas me dire, que ton image à toi, elle ne compte pas ? Personellement, la mienne compte pour moi... Je sais m'en passer, mais tout de même. Savoir se priver ne signifie pas pouvoir vivre sans.

Je m'étais, dans mon geste gourmand et obsessionnel également étendu, et c'est a ce simple moment que je vis ses yeux. Des yeux bleus, pétillants, scintillants. De magnifiques yeux. Expressifs, tendres... et... amusés ? Peut-être bien... Voir ainsi manger les mâles faisaient rire les femelles ??? J'aurai tout vu........

Un vent froid secoua mon pelage noir, chose qui enfin me laissa regarder autre chose que ses yeux. Il parcourut la grotte rapidement, laissant derrière lui la morsure du froid glacial qui fit trembler la femelle et me fit rire un peu...

- Une femelle arctique qui meurt de froid ? Intéressant... Inhabituel, en fait.

J'ignorais la chose à faire... Prendre place à coté d'elle ? Rester à l'écart également torturé par le froid ? À bien y penser, je lui en devais toute une ; elle m'avait donné et redonné une part de viande généreusement alors que j'avais été un véritable imbécile... Étrange tout de même, ce vent froid en été... Bref, l'été était en somme comme tout, modifiable, incertain...

Je me rapprochai d'elle et m'étendit tout près, ne la touchant pas. J'étais placé du coté de l'entrée, de sorte à ce que le vent me frappe avant de la frapper elle. De cette manière, je ne la dérangeais pas, et elle ne souffrait pas. Alors qu'un second coup de vent jaillissait de l'extérieur, j'engageais la conversation, le silence pour moi se faisant lourd ;

- Dommage pour votre chef... J'espère au moins que vous l'avez cherchée... Ou alors que vous pourrez la remplacer... Winters... Le clan de l'hiver, c'est ça ?

Une multitude de questions me traversaient l'esprit, comme à chaques fois que je croisais un loup de Meute. Je me limitai à ceux là pour le moment, espérant changer les idées de la louve et oublier le froid.

Pas les loups les plus acceuillants... Cette femelle ne m'avait pourtant pas l'air de la plus sauvage que je connaissais... Bon d'accord. Mon échantillonnage était très restreint, mais reste qu'elle n'était pas sauvage.

- La guerre qui n'a pas commencé... Ne souhaites-tu pas qu'elle commence au contraire ? Ou bien es-tu comme les autres a espérer ne pas la voir venir, à se réjouir bien trop vite... Et quand finalement tu atteindras ta « paix »... Elle t'éclatera au visage. Non. Il faut souhaiter qu'elle arrive vite, et qu'elle reparte vite. Après, tu auras la paix.

Mes paroles étaient étrangement sages pour un loup de mon espèce, je venais juste de m'en rendre compte. Je baissai un peu la tête, honteux d'avoir montré le tant soit peu de bon que j'avais...
La proximité de la louve m'aidait à conserver un peu de chaleur, du coté opposé à celui de l'ouverture. À l'extérieur, les branches des arbres claquaient les unes aux autres dans un bruit stressant.

- Bref... c'est... la guerre est un sujet qui a beaucoup de... Laisse tomber.

Je m'enfonçais dans la honte, peu à peu. Plus je parlais, plus je me calais. La femelle avait de nouveau cet air amusé plutôt réjouissant... Moins moqueur que j'aurais pu m'imaginer. Et bien... Tant mieux si mes simagrées l'amusaient...